La fabrique des possibles - Paysages crus

Des pliages de terre posés en équilibre sur des poutres de bois, des pièces en verre déchu disposées ici et là cohabitent avec des chutes de cuirs. C’est dans un univers étrange que nous invite l’artiste à déambuler dans la Chapelle du Carmel. Pour sa première exposition personnelle, Alexia Chevrollier envisage la chapelle comme un tableau de paysage. Elle ne veut pas faire une représentation généralisante de la nature mais offrir un cadrage. Par une sculpture épurée, des formes simples et des matériaux élémentaires, l’artiste conçoit une mise en scène dans laquelle elle questionne les éléments du paysage tel que le point de vue, l’horizon, l’attente.

Alexia Chevrollier aplatit la terre jusqu’à en obtenir des feuilles. Une simple tension, un pliage, un transfert font naître une forme. Des formes instables, fragiles, légères qui contrastent avec la rigidité des poutres en bois sur lesquelles elles se déposent. Les sculptures semblent être traversées par une volonté d’animer la matière. Cette quête de la forme est indissociable du matériau que l’artiste travaille de manière quasi fétichiste. Elle répète souvent ses gestes comme lors d’un rituel. Ces actes apparemment isolés, comme le fait de disposer les pièces dans la chapelle font resurgir en nous le souvenir de la liste de verbes proposée par Richard Serra en 1967. « To roll, to curve, to fold… » résonnent alors comme un manifeste que l’artiste applique de multiples façons sur ses matériaux. À l’occasion de l’exposition, certaines œuvres sont mises en forme au moment de l’accrochage. Alexia Chevrollier privilégie dans son travail une certaine spontanéité où expérimentation et hasard coexistent. Les éléments sont posés, disposés, rarement fixés dans l’espace. La notion d’équilibre est importante. Les sculptures vivent au rythme de l’installation. La terre non cuite sèche lentement, enregistrant les variations chromatiques qu’elle subit. Plutôt qu’un produit terminé, les sculptures font surgir un procédé où la forme est souvent le résultat d’un processus plus ou moins maîtrisable. En accordant une place à l’improvisation, l’artiste interroge la limite entre l’objet « fini » et l’objet « se faisant », reliant ainsi l’événement de l’exposition aux pratiques d’atelier. L’exposition se déroule dans une dynamique où disparition et devenir se confrontent. Souvent fragiles, délicates, les sculptures d’Alexia Chevrollier tiennent à un fil, révélant ainsi leur érosion programmée.

 

Texte de présentation de l’exposition La fabrique des possibles. Paysages crus (2017), Chapelle du Carmel, Châlon-sur-Saône

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