À quelques kilomètres de Bordeaux, l’estuaire de la Gironde abrite un chapelet d’îles peu connu des Aquitains. Maitexu Etcheverria, photographe en Nouvelle-Aquitaine et familière de ce territoire depuis quelques années, a utilisé la disparition de l’île de Trompeloup au large de Pauillac, il y a deux ans, comme l’élément déclencheur et point de départ des premières images de la série Voyages insulaires.
Les îles sont d’abord destinées au pacage, le vignoble s’y développe au XIXe siècle, échappant au phylloxéra par l’inondation des terres durant les mois d’hiver. Six cents personnes vivent alors sur ces terres, mais le recul du vignoble au profit des céréales et le moindre besoin de main-d’œuvre au siècle dernier, conduisent au départ progressif de la population et provoquent la fin de l’entretien des digues. Abandonnées pour certaines pendant quelques années, elles sont aujourd’hui au coeur de projets touristiques, agricoles ou environnementaux.
La série Voyages insulaires (coproduction Frac Aquitaine et IDDAC) propose un dialogue visuel, entre cet archipel et les jeunes travailleur ses agricoles qui les occupent de façon temporaire.
Photographié es à l’arrêt, lors de moments de repos, les jeunes modèles semblent partager le même rapport à la nature. Souvent nomades, alternant les contrats saisonniers, ce moment de vie insulaire est vécu comme une parenthèse dans leur parcours, une période favorable au retour sur soi. Les images sont réalisées au moyen format argentique, le grain de la pellicule et les choix lumineux renforcent la picturalité des images.
Les mutations du fleuve rythment la vie insulaire, les inondations sont fréquentes, certaines îles émergent quand d’autres s’effacent. L’apparition régulière de nouveaux bancs de sable, modifie les couloirs de navigation ; les brèches créées naturellement dans les digues lors de fortes tempêtes réinventent elles aussi une nouvelle cartographie des lieux.
À marée basse, des épaves de navires de pêche ou de guerre jalonnent les rives de la Gironde. À ces images de vestiges maritimes et militaires s’ajoutent en lien avec l’évolution de l’agriculture et de la viticulture, des natures mortes ou photographies d’édifices à l’abandon, témoins d’une vie passée. Ces images sur les saisonniers des îles du Médoc questionnent notre connaissance sur cette période transitoire et fondatrice de la vie qu’est la jeunesse et invitent plus largement à une réflexion sur notre rapport à la temporalité et à la terre.
Ce texte accompagne l’exposition éponyme présentée à la galerie Arrêt sur l’image (Bordeaux) dans le cadre de Dépaysements - une odyssée d’expositions en Nouvelle-Aquitaine (2017), initiative du Frac Nouvelle-Aquitaine Méca.