Claire Malrieux

Olivier Marbœuf, 2017

Claire Malrieux vit et travaille à Bordeaux et Paris. Diplômée de l’Ensba en 2000, elle cofonde les éditions Mix avec les autres membres du collectif avec lesquels elle travaille de 2000 à 2006. Sa pratique collective l’a amenée à expérimenter les conditions de circulation du récit à travers des formes hybrides où se mêlent éditions, Histoire et fictions. En 2014, elle bénéficie d’une résidence de recherche au Musée des Arts Décoratifs de Paris où elle pose les bases de son travail actuel et expose une première oeuvre graphique algorithmique en ligne. Depuis, elle développe le projet Hyperdrawing dans lequel elle alterne phases de recherche, expérimentations techniques et productions d’oeuvres graphiques génératives. Ses dernières œuvres engagent la puissance énonciatrice du dessin dans une réflexion sur les perspectives narratives et spéculatives de la pensée algorithmique. Son travail est régulièrement montré en France et à l’étranger et fait l’objet d’acquisitions dans différentes collections privées. Elle expose Climat général une œuvre graphique générative à la Biennale de Venise et au Collège des Bernardins en 2017 et devient lauréate « Talents Contemporains » de la Fondation François Schneider en 2018.

 

Pour entrer dans l’univers de Claire Malrieux, il est nécessaire d’aller au-delà de la puissance formelle de son travail.
Cette remarque peut paraître quelque peu paradoxale à l’endroit du travail d’une plasticienne, mais elle permet de situer l’endroit – et même les endroits - qu’elle investit par son oeuvre et qui de fait en composent par leur diversité la plus probable singularité.

Le paradoxe de cet avertissement est d’autant plus prégnant que les objets que réalise Claire Malrieux sont dotés d’une indéniable immédiateté visuelle – on ne les réduira pas au terme de sculptures pour garder à l’esprit qu’ils sont aussi les points de cristallisation de plusieurs récits et donc qu’ils n’existent pas seulement comme formes mais aussi comme faits et connaissances. Il en va de même de ses dessins qui offrent une résistance remarquable à la lecture, nous obligeant à les considérer dans le même mouvement du regard comme des gestes et la formalisation de processus – installant définitivement une porosité permanente entre les formes de l’art et celles de la science.

Dire qu’il faut aller au-delà de ces formes troublantes n’est pas tout à fait juste. Il faut aller plus précisément en amont et en aval. En amont, c’est-à-dire du côté du processus de production, en aval, sur le chemin du récit. La pièce est ainsi ce nœud où dialoguent ce qui relève de la science, de la technologie d’une part et de la littérature, de la fable de l’autre.
Mais il faut garder à l’esprit que, dans une perspective quantique du temps, ce qui est avant n’a pas forcément disparu pour laisser place à ce qui vient ou va venir.

Le régime du récit qui va composer l’écosystème d’exposition de la plupart des oeuvres de l’artiste – et qui est l’un des terrains de collaboration qu’elle développe - ne vient prendre place devant les processus de production.
Ceux-ci restent à tout instant présents comme espaces d’investigation, de connaissance et d’imaginaire pour le spectateur.

Ainsi sans jamais perdre de vue l’intensité de la pratique – en premier lieu, celle du dessin qui est l’une des pierres angulaires de son travail – et la précision nécessaire à la réalisation de chacune de ses propositions, Claire Malrieux ne s’investit pas moins dans de nombreux chantiers collaboratifs qui couvrent l’ensemble du temps de son oeuvre – ce temps pouvant, de nouveau dans son acceptation quantique, être assimilé ici à l’espace de l’oeuvre et être déplié par/pour l’exposition. Qu’il s’agisse de designers, de mathématiciens, de chercheurs en sciences physiques ou en sciences humaines, d’auteurs, de performers, l’artiste établit et anime dans son activité de nombreux espaces d’expérimentation, de transmission, de pratique.

Il convient ainsi d’aborder ces travaux comme de vastes plate-formes où l’artiste devient tour à tour narratrice, curatrice, chercheur et où l’oeuvre en train de se faire se préoccupe de la forme mais aussi de la connaissance et de sa mise en récit.

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